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Séminaire « La place de la femme dans le monde académique »

espace-des-sciences-sociales-2-mai-2016_1460624367072-jpgLES FEMMES DANS LE MONDE ACADÉMIQUE

Le 2 mai dernier, le laboratoire FRAMESPA (UMR 5136, Université de Toulouse – Jean Jaurès et CNRS) a co-organisé avec le laboratoire ARPÈGE, un séminaire très intéressant sur la place des femmes dans le monde académique. Le but était triple : extraire des éléments de compréhension sur le problème de la place des femmes dans ce milieu et dans des aspects aussi variés que les carrières, les fonctions, la position hiérarchique, la reconnaissance, la réputation et la visibilité. Dans un deuxième moment il s’agissait de dresser le constat des inégalités sur le terrain afin de conclure par une réflexion commune sur des possibles solutions. Quelques constats :

La féminisation des universités est croissante, mais la répartition des sexes est inégale et partielle dans les places de pouvoir.

Cela crée une relation de dépendance de la femme vis-à-vis de l’homme. En effet, les postes qui impliquent des grandes responsabilités et des prises des décisions importantes sont occupés par des hommes.Isabelle Lacoue-Labartyhe constate, par exemple, qu’à l’UT2J, 52% des effectifs MCF sont des femmes, contre seulement 24% des effectifs PR. À l’UT3 les femmes MCF ne seraient que 37%. Selon des données du MEN, la présence des femmes serait très importante dans les disciplines littéraires et linguistiques (72% des effectifs des langues), contre seulement 34% en Économie-Mathématiques et 0% en Sciences de l’Ingénieur. La parité homme-femme des postes MCF serait atteinte en 2027, mais il faudrait attendre 2068 pour atteindre la parité homme-femme chez les PU. Dans les instances représentatives ces chiffres se réduisent davantage : dans la Commission Recherche, par exemple, seulement 1/3 des femmes, même constat dans le Conseil Scientifique et nous n’aurons pas de femme doyenne. Seul le Conseil d’Administration semble respecter la parité.

Les travaux scientifiques des femmes sont moins cités que ceux des hommes.

À titre d’exemple, des 48 titres édités depuis 1981 dans la collection « Hautes Études », nous trouvons seulement 7 auteures contre 48 auteurs. Dans Wikipédia, pour l’entrée « Historiens XXe siècle », seul 5% sont des femmes (9 sur 166). Cela pourrait émaner d’une suspicion sur les compétences de femmes.

La visibilité des femmes dans la sphère intellectuelle publique est réduite et inférieure à celle des hommes.

Dans le programme La nuit des idées (27 janvier 2016) où intellectuels, artistes, architectes intervenaient pour imaginer le monde de demain, mais seulement 6 femmes prirent la parole contre 22 hommes. Or, côté animation, métier moins intellectuel, la parité était respectée. Au Collège de France, une seule chaire est occupée par une femme contre 8 occupées par des hommes. Ou encore le Prix du Sénat du Livre d’Histoire délivré depuis 2013 qu’à 2 auteures contre 13 prix délivrés à des auteurs.

Tout cela met en exergue le problème de la visibilité des chercheuses puisque les travaux des auteurs sont plus valorisés, entraînant un manque de confiance dans les travaux des auteures, l’auto-référencement, par exemple entre les auteurs appartenant aux grandes écoles, à l’ENS ou l’auto-cooptation. Au-delà des raisons sociologiques, politiques et socio-économiques, les intervenantes ont souligné les rapports des femmes à la compétitivité, à la réputation, ainsi que le phénomène d’autocensure, assez marqué.

Sandra Péré-Noguès et Béatrice Cauuet sont intervenues en tant qu’archéologues pour ériger un tableau de la place de la femme dans cette discipline née au XIXe siècle. La femme n’était qu’épouse ou maîtresse accompagnant son partenaire dans le cadre de ses recherches, et bien qu’elle avait un rôle actif, celui-ci ne lui était jamais reconnu, restant toujours à l’ombre de l’homme. Il faut atteindre 1890 pour voir naître la figure de la femme archéologue. Le vrai défi pour les femmes archéologues était d’aller sur le terrain, ce qui posait un problème physique, mais aussi la difficulté de faire accepter ses ordres par les hommes du chantier, prêts à boycotter leurs travaux. Dans d’autres mots le défi était de faire valoir sa légitimité sur le terrain et dans la discipline.

Nicolas Adell, anthropologue, a fait le constat dans sa discipline : sur 320 anthropologues en France, environ 50% sont des femmes. Le besoin de spécificité et de réflexivité dans l’Anthropologie peut expliquer la forte présence féminine, mais il relève néanmoins un gros écart entre les postes de MCF et PU. Or, bien qu’elles soient présentes, Nicolas Adell s’interroge sur la visibilité effective des femmes au sein de la discipline. Il a souligné l’importance de la critique postcoloniale et féministe des années 196-70, qui prône l’affectation par l’objet de la recherche, en dépit de l’observation participante, modèle qui ne fonctionne plus,  et voit dans la femme l’avenir de la discipline. Cette critique féministe des sciences a conduit le CNRS à la parité, mais le revers de la médaille est une ghettoïsation féministe des thèmes étudiés dans certaines unités de recherche.

Le débat qui s’est suivi a souligné les rapports de la femme à la légitimité de sa présence dans la communauté scientifique marquée par une prédétermination sociale des tâches sexuées, mais aussi le regard porté à ses ambitions ou perspectives d’évolution et de promotion par les autres membres féminins de la communauté.

 

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